Le pape François va rencontrer des victimes françaises d’abus sexuels

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Un groupe de 21 victimes du frère Gabriel Girard, membre de la congrégation des frères de Saint-Gabriel, va rencontrer le pape François dans la matinée du 27 novembre 2023. Leur visite à Rome s’inscrit dans un processus de réconciliation avec cette congrégation, initié après la publication du rapport de la Ciase, en 2021.

Vingt-et-une victimes françaises d’abus sexuels vont rencontrer le pape François dans la matinée du 27 novembre 2023. Mineures au moment des faits, elles ont été abusées dans les années 1960-70 alors qu’elles étaient scolarisées dans les écoles d’Issé (Loire-Atlantique) et de Loctudy (Finistère), par le frère Gabriel Girard. Membre de la congrégation des frères de Saint-Gabriel, ce dernier est aujourd’hui décédé. Leur visite à Rome s’inscrit dans un processus de réconciliation avec cette congrégation, initié après la publication du rapport de la Ciase, en 2021.

« Dans les années 1960, un frère enseignant de la congrégation des frères de Saint-Gabriel, Gabriel Girard, nous abusait en classe, avec des comportements incroyables. Il nous a volé notre enfance », témoigne Jean-Pierre Fourny, alors scolarisé dans l’école de garçons d’Issé. Cet homme de 64 ans fera partie de la délégation reçue par le Pape lundi matin. Il s’agit de la première visite d’une délégation de victimes françaises depuis la publication du rapport Sauvé. « Moi j’ai été l’un des premiers à me rebeller, je me suis enfui mais on est venu me rechercher dans les champs », raconte-t-il. « On a tout gardé en nous pendant 50 ans. Certains ont réussi à surmonter ce traumatisme, mais d’autres sont tombés dans des addictions, l’alcool, la drogue, les suicides… », confie-t-il, la voix brisée.

En 2021 cependant, la publication du rapport de la Ciase (Commission indépendante sur les abus sur mineurs dans l’Église) pousse Jean-Pierre Fourny et certains de ses anciens camarades d’école à sortir de leur silence. En lien avec la Conférence des religieuses et religieux de France (Corref) présidée par sœur Véronique Margron, la création de la Commission reconnaissance et réparation (CRR), sous la conduite de l’ancien magistrat Antoine Garapon, leur donne l’appui institutionnel qui leur permettra de monter leurs dossiers, et d’aboutir à un protocole d’accord avec la congrégation.

Le « travail honnête » des frères de Saint-Gabriel

« Les frères de Saint-Gabriel, qui nous ont reçus à Saint-Laurent-Sur-Sèvre, ont reconnu l’affaire et son caractère systémique. Ils ont été courageux, ils ont fait le boulot », reconnaît Jean-Pierre Fourny. Des indemnités ont été accordées aux victimes identifiées, mais c’est surtout l’attitude humble et respectueuse des religieux qui a été une source de réconfort pour ceux qui, durant leur enfance, ne furent pas écoutés. « Ils ont fait un travail honnête et intéressant », relève Jean-Pierre Fourny, remarquant l’attitude courageuse du provincial, qui a accepté de répondre à toutes les questions du public lors d’une projection de film de Bernadette Sauvaget et Olivier Lamour Le prix d’une vie – Violences sexuelles dans l’Église, à Loctudy. Il a aussi apprécié la démarche des frères de Saint-Gabriel de s’impliquer dans une cérémonie du souvenir organisée à Issé le 10 juin 2023, en présence de l’évêque de Nantes. 

Pour les victimes, le travail de guérison doit se faire avec les institutions et non pas contre elles. « On en a pris plein la gueule toute notre vie, certains ne s’en sont jamais remis et se sont suicidés, nous avons fait une minute de silence pour eux. Mais nous avons une éthique : nous respectons l’Église, nous n’agressons personne. Mais nous voulons une écoute, et ce n’est pas toujours le cas », remarque-t-il, en regrettant la superficialité de certaines mesures, comme la mise à disposition de simples flyers sur la prévention des abus dans les paroisses, dont le contenu a été élaboré sans concertation avec les associations de victimes. 

Rencontrer le pape François pour un avenir plus sûr 

« Ce n’est pas de l’argent que nous réclamons, mais des garanties pour l’avenir, et que l’Église nous écoute et travaille en coopération avec les victimes pour la prévention », insiste Jean-Pierre Fourny. « Nous donnons une chance aux évêques de redorer leurs blasons, en travaillant avec eux… mais certains sont trop ‘perchés’ et n’ont pas encore compris que nous leur tendons la main », raconte-t-il. 

La délégation espère donc recevoir une véritable écoute de la part du pape François, auquel une audience avait été demandée via un courrier envoyé au Vatican par l’évêque de Nantes, Mgr Laurent Percerou. « Nous voulons rencontrer le Pape pour avoir des garanties pour l’avenir, pour les générations qui viennent, notamment dans la formation des jeunes prêtres, ou plus largement dans l’enseignement catholique », explique-t-il, tout en regrettant des lenteurs dans la prise en compte du phénomène des abus sur mineurs.

« Je pense que le pape François est très peiné de voir tellement d’horreurs dans l’Église, mais il doit composer avec une aile conservatrice qui ne veut pas faire avancer les dossiers… Des évêques et des cardinaux italiens, pour la plupart, qui trouvent que la France fait trop de bruit », remarque-t-il. De ces résistances découle un regret pour la délégation : l’absence à cette réunion de sœur Véronique Margron et d’Antoine Garapon, deux personnes dont les victimes ont apprécié l’engagement, le sens de l’écoute et les « qualités humaines ». 

Sœur Véronique Margron assure pour sa part que « le simple fait que le Pape écoute ces victimes et leur exprime de la considération, c’est déjà un but en soi ». Ces personnes « veulent témoigner de ce qu’elles ont subi, des ravages que cela a fait dans leurs vies et lui dire aussi comment elles se sont relevées », explique-t-elle.La religieuse dominicaine souligne l’engagement de nombreuses congrégations sur un parcours de vérité, montrant que les frères de Saint-Gabriel ont su s’engager en vérité, « grâce à la CRR, à la fois interlocuteur de la congrégation et intercesseur au service des victimes ». « La commission Garapon a mené un travail extraordinaire de présence, de compétence, de bonté et d’humanité, tant auprès des victimes que des frères de Saint-Gabriel, pour rendre possible cette réparation », explique la présidente de la Corref.

Prescription des faits

Dans un contexte de prescription des faits selon la justice civile comme canonique, sœur Véronique Margron souligne que « rien ne se serait fait sans la bonne volonté des frères, ni sans la détermination des victimes à aller au bout de ce processus », avec l’aide de cet organe indépendant mais mandaté par la Corref, et donc par l’Église. « Aller rencontrer le pape François, cela devrait permettre d’aller au bout de ce chemin d’apaisement », espère-t-elle.

« C’est le fruit d’un processus dans lequel tout le monde a été engagé. Lors de la journée de mémoire à Issé, j’ai vu pleurer des vieux frères », témoigne la religieuse dominicaine, précisant que certains frères ont révélé avoir été eux-mêmes victimes de ce religieux. « Ce qui est bouleversant, c’est que ce sont les victimes qui ont ré-humanisé les frères. Je me souviens que lors de la journée d’Issé, ce sont les victimes qui retissaient le lien en allant vers les frères, avec qui des amitiés ont été tissées », raconte-t-elle.

Jean-Pierre Fourny précise, avec reconnaissance, que la congrégation les accompagnera et les hébergera durant leur séjour à Rome. La délégation de 21 victimes sera également reçue par le conseil général des Frères de Saint-Gabriel, présents actuellement dans 33 pays. »Ils nous ont reconnus, et nous les reconnaissons aussi, maintenant », confie-t-il.

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