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De beaux murs blancs usés, des cloîtres donnant sur des cellules où les auteurs ont remplacé les moines: la Chartreuse de Villeneuve-lès-Avignon, ancien palais papal et joyaux des monastères du sud de la France, fête cet été son demi-siècle de résidences artistiques.
En franchissant le portail monumental de ce vaste ensemble d’édifices vieux de quatre siècles, puis en déambulant dans ses couloirs silencieux et ses jardins, le visiteur a la sensation d’investir un univers parallèle, loin de la foule pourtant toute proche qui encombre les rues d’Avignon, de l’autre côté du Rhône, en cette période de festival.
Pourtant, c’est bien de théâtre, de danse ou encore de cirque qu’il est également question ici, sur la rive gardoise du fleuve, depuis la fondation en 1973 du “Centre international de recherche, de création et d’animation (Circa)”, conçu pour accueillir les artistes tel une “Villa Médicis à la française”.
Le chorégraphe américain Merce Cunningham, le compositeur français Pierre Boulez, le metteur en scène Patrice Chéreau ou l’écrivain Pascal Quignard ont “joué le jeu” de la résidence par le passé, relève Marianne Clévy, à la tête de la Chartreuse depuis un peu plus de deux ans.
Depuis 2014, l’activité s’est recentrée sur le travail d’écriture des différentes formes de l’art de la scène, laissant à d’autres la musique ou le cinéma.
Entre 120 et 150 auteurs, dont le travail “nécessite un temps de recherche, d’expérimentation et de création”, y sont accueillis tout au long de l’année pour des résidences allant de 15 jours à deux mois.
Artistes confirmés ou émergents, venant de France, de Belgique, de Suisse ou de pays plus lointains, notamment d’Afrique ou du Proche-Orient, ils sont logés dans les anciennes cellules des moines chartreux, numérotées de A à Z et désormais pourvues de tout le confort moderne.
“Pour eux, c’est l’occasion de travailler en dehors du bruit du monde, mais aussi de créer des communautés éphémères autour de la table d’hôtes qu’ils partagent tous les soirs”, explique Marianne Clévy.
Liberté créatrice
“L’objectif des résidences n’est pas que cela débouche forcément sur une pièce. Ici, je me sens libre de créer”, confie dans une cour ombragée à l’écart du grand cloître le poète et dramaturge haïtien Jean d’Amérique, qui à 28 ans a déjà effectué plusieurs séjours à Villeneuve.
S’il n’y a pas d’obligation de résultat, il arrive néanmoins que des spectacles voient le jour à l’issue de ce travail préparatoire et de l’échange avec les pairs ou avec les visiteurs, qui peuvent chaque jeudi soir assister à des lectures des travaux en cours.
Certains textes intègrent alors les “Rencontres d’été”, festival qui se déroule traditionnellement en juillet et accueille, outre ses propres productions et celles de partenaires étrangers, des pièces du “in” et du “off” du Festival d’Avignon.
C’est le cas du spectacle “La Boîte de Pandore”, création de deux jeunes autrices, Marion Coulomb et Pépita Car, qui ont élaboré lors d’une résidence la trame définitive de leur récit, où s’entremêlent des confidences chuchotées, des riffs de guitare rageurs et d’époustouflants numéros d’acrobatie.
Le “danseur, chorégraphe et masseur” franco-italien Massimo Fusco, 37 ans, a présenté “Corps Sonores”, une “installation” où les spectateurs peuvent profiter d’un massage, s’ils le souhaitent, tout écoutant au casque de la musique expérimentale et des pastilles sonores enregistrées lors de séances de massage dans des centres médico-sociaux. Lors d’une résidence au printemps, il en a peaufiné une “version destinée aux enfants”, explique-t-il.
“Ici, on peut laisser la porte de sa cellule ouverte, et dans ce cas créer de la porosité avec les autres, tester des choses pour voir si elles résonnent. Ou bien la porte reste fermée, et on reste plus dans l’isolement. On a le choix, et les allers-retours entre les deux options sont faciles”, dit-il.
Jusqu’au 17 septembre, le 50e anniversaire de la création du Centre de rencontres est aussi l’occasion découvrir des photos en noir et blanc prises au début des années 1950 par le cinéaste Alain Cavalier, alors que l’ancien monastère, désacralisé à la Révolution, abritait des dizaines de familles pauvres et constituait un quartier plus ou moins mal famé au sein même de Villeneuve-lès-Avignon.
La Rédaction (avec AFP)