À Saint-Maur des Fossés, Notre-Dame des Miracles prend toujours vos appels

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Vénérée à Saint-Maur-des-Fossés depuis le XIe siècle, cette statue de la Vierge pas comme les autres a reçu la visite des plus grands rois. On la prie pour toutes les grâces qu’elle accorde généreusement, répondant à tous les appels, au point que ses jeunes dévots d’aujourd’hui l’appellent la “Vierge au téléphone” !

En bientôt un millénaire, elle a survécu à tout : iconoclasme des Guerres de religion, invasions, déchristianisation révolutionnaire, bombardements… Toujours, quels que soient les malheurs des temps, la dévotion à Notre-Dame des Miracles s’est maintenue, drainant vers Saint-Maur des Fossés, alors en pleine campagne, des foules si énormes que certains n’hésitent pas à les comparer à celles de Lourdes. Et puis, soudain, en 1969, par volonté d’être dans l’air du temps, tout s’est arrêté. Définitivement, a-t-on pu croire, mais ici, Marie n’avait pas dit son dernier mot.

Les reliques de saint Maur

La boucle de la Marne où s’élève Saint-Maur est terre de piété depuis la fin des persécutions romaines. C’est ici, en effet, qu’auraient été martyrisés, dans les années 280, un certain Félix et deux de ses amis, vénérés sous le nom de “Saints de Créteil”. Le roi mérovingien Clovis II fait élever en cet endroit un monastère dont le premier abbé, Babolin, sera porté sur les autels. Puis, en 868, au pire des raids normands sur la France, alors que l’envahisseur viking est partout, arrive dans ce cloître encore épargné, un groupe de bénédictins angevins qui ont fui leur maison de Glanfeuil. Avec eux, ils ont emporté leur bien le plus précieux : les reliques de saint Maur. S’agit-il, comme on le racontera, du disciple de saint Benoît, modèle admirable d’obéissance monastique, ou plus probablement de son homonyme, premier abbé de Glanfeuil ? On ne sait mais, avec l’appui du roi Charles le Chauve, le reliquaire est installé dans le monastère, qui prend le nom de Saint-Maur. Un pèlerinage s’instaure qui favorise la naissance d’un village homonyme. 

Selon l’heure, la saison, l’éclairage, l’endroit où se place le fidèle, l’expression de Marie change, se modifie, étrangement.

C’est dans ce monastère qu’au début des années 1060, le comte Guillaume de Corbeil, personnage peu recommandable, vient, se pensant près de mourir, demander l’habit monastique et le pardon de ses fautes. Or, ce mauvais seigneur trouve sous la règle bénédictine, non seulement la paix de l’âme mais la guérison et, reconnaissant, décide d’offrir au monastère la plus belle statue de Notre-Dame qui se puisse. Il fait appel à un sculpteur d’une certaine réputation, peut-être moine lui-même, nommé Rumold. Celui-ci, ayant choisi une pièce de bois, s’installe dans son atelier et, après avoir prié, se met au travail ; mais, à peine a-t-il commencé à dégrossir le bois qu’il s’entend appeler et sort. En fait, à son vif agacement, il n’y a personne dehors ; il retourne à son atelier et se fige, médusé, sur le seuil : à la place d’une souche informe et bien qu’il se soit absenté à peine quelques minutes, il découvre une statue de Notre-Dame achevée et si parfaitement belle qu’il s’admet incapable d’en faire autant. En cette époque de foi, nul dans le monastère ne doute de l’intervention miraculeuse et la sainte image, réputée faite par les anges, en retire aussitôt une réputation miraculeuse.

Une statue pas comme les autres

En des temps “plus éclairés”, bien entendu, l’on ricanera de cette histoire absurde mais, pourtant, à bien y regarder, outre le fait qu’elle possède en effet des pouvoirs thaumaturges indéniables et constants, et que Marie serait apparue à Rumold le 10 juillet 1068, date qui fut longtemps celle de la fête et du pèlerinage, pour le guérir d’une grave maladie, force est d’admettre que la statue, alors installée dans l’abbatiale, possède quelques caractéristiques étonnantes.

Haute de 70 cm, mais si élancée qu’elle paraît plus grande, cette Vierge de l’Annonciation polychrome, qui semble fruste, ne l’est pas, au contraire. D’abord, il y a le visage, d’une beauté saisissante, d’une douceur hors du monde que l’on peine à imaginer jailli sous le ciseau d’un artiste villageois. Mais ce n’est pas tout… Selon l’heure, la saison, l’éclairage, l’endroit où se place le fidèle, l’expression de Marie change, se modifie, étrangement. Un jour, elle semble radieuse, un autre au contraire affligée ; l’un croit la voir lui sourire avec tendresse, un autre se poser sur lui un regard de tristesse ou de compassion. Illusion ? Qui sait ? Ce qui est certain, c’est que cette statue n’est pas comme les autres et qu’il en émane une puissance que des chefs d’œuvre ne possèdent pas.

Le pèlerinage reprend, plus fervent que jamais

Ce qui est encore certain, c’est que pèlerins et fidèles vont accourir à ses pieds des siècles durant et obtenir tant de grâces physiques ou spirituelles qu’elle y gagne le nom de Notre-Dame des Miracles. Ici sont passés des rois de France, Philippe Auguste et saint Louis, son petit-fils, pour ne citer qu’eux, un empereur germanique, Charles IV qui, exaucé et guéri, transporte la dévotion à Notre-Dame des Miracles outre-Rhin. Les papes enrichissent le pèlerinage d’indulgences. Bien que les bénédictins aient cédé la place à des chanoine de saint Augustin, la dévotion se poursuit et s’accroît. Au début du XVIIe siècle, une confrérie de Notre-Dame des Miracles est fondée, sous l’impulsion de MM. de Condren et Olier, qui font d’elle l’un des instruments de la mise en œuvre de la contre-réforme en France. Membres de la confrérie, saint Vincent de Paul et saint François de Sales ont prié devant cette image. Et des foules anonymes mais ferventes accourues chaque début juillet, comme le reste de l’année. 

Allô, Notre-Dame des Miracles ?

Arrive la Révolution. La confiscation des biens de l’Église contraint les chanoines à s’en aller. Ils ont, avant de partir, en 1792, le temps de confier la statue miraculeuse à des amis sûrs qui la mettent à l’abri. Bien leur en prend car la Terreur détruit l’abbatiale sans effacer le souvenir de Notre-Dame des Miracles. Dès la signature du Concordat, avec l’appui de Pie VII, qui renouvelle les indulgences, la statue est installée dans l’église paroissiale Saint-Nicolas et le pèlerinage reprend, plus fervent que jamais. En 1870, la commune de Saint-Maur attribue à sa protection d’avoir été préservée, contre toute raison, des bombardements de l’artillerie allemande qui écrasent Paris assiégé et la banlieue. Dès lors, Notre-Dame des Miracles est invoquée aussi contre les désastres de la guerre. Certains la prient également dans les difficultés financières. C’est le cas, en 1907, d’un M. Rouvé, spécialisé dans la restauration d’œuvres d’art dont l’atelier vivote et la santé décline. La paroisse de Saint-Maur lui confie la statue miraculeuse dont la polychromie doit être rafraîchie. Aussitôt, les ennuis de l’artisan cessent, sa santé se rétablit, les soucis d’argent ne reviendront plus. Reconnaissant, il exécute une copie de Notre-Dame des Miracles dont il fait cadeau à l’église de Masseret, en Corrèze, où, à peine installée, fidèle à sa réputation, elle multiplie les guérisons.

La Vierge au téléphone

Tout va donc au mieux à Saint-Maur, jusqu’en 1969. Cette année-là, sans explication, il est décidé d’arrêter le pèlerinage quasi-millénaire et, si l’on n’ose quand même pas retirer la statue miraculeuse de l’église, on la relègue dans un coin, en espérant qu’elle y soit oubliée et, avec elle, cette légende de l’origine angélique et ses prétendues miracles. Il n’est cependant pas si facile de chasser la Sainte Vierge de chez Elle… Si les foules n’accourent plus, évidemment, il reste, à Saint-Maur, des dévots, surtout des femmes, attachés à Notre-Dame des Miracles, qui s’obstinent à perpétuer discrètement son culte et venir chaque jour réciter leur chapelet devant Elle. Ce n’est certes guère dans l’air du temps mais cela permet à la dévotion ancestrale de se maintenir pendant vingt ans. 

En 1988, un couple de paroissiens, payant d’audace, demande à l’évêque la permission de rétablir l’ancienne fête et le pèlerinage. La permission est accordée, à condition de déplacer les festivités au samedi le plus proche du 8 décembre. Depuis, d’année en année, culte et pèlerinage reprennent de l’ampleur et l’on se remet à signaler des grâces de guérison, notamment lors du grand pèlerinage des familles en 2002 où l’on confie à Notre-Dame des Miracles le soin de veiller sur le noyau familial si durement éprouvé et les enfants. On l’invoque aussi pour le soulagement des rhumatismes et douleurs des membres inférieurs. Et ce renouveau n’est pas près de s’arrêter car les nouvelles générations se tournent désormais vers Elle. Pour une raison étonnante mais qui parle aux jeunes, lesquels appellent la statue “la Vierge au téléphone”. Pourquoi ? Parce que Marie porte la main à son oreille, comme si, en effet, elle tenait son smartphone et se trouvait en pleine conversation… C’est qu’elle écoute les paroles de l’archange Gabriel et commence à les méditer en son cœur.

Surprenant ? Peut-être, mais une chose est sûre : si vous composez son numéro d’urgence, soyez certains qu’elle décrochera et s’ingéniera à vous aider. “Allô, Notre-Dame des Miracles ?”

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