Affaire Boudarel : quand les intellectuels de gauche prenaient la défense d’un commissaire politique devenu universitaire qui avait torturé des soldats français dans un camp de rééducation communiste

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Georges Boudarel naquit le 21 décembre 1926 à Saint-Étienne dans une famille catholique. C’est un universitaire, militant communiste et surtout un criminel de guerre qui collabora activement avec zèle pour le camp viet-mihn. Il fût en charge de la rééducation des soldats français capturés lors de la guerre d’Indochine. Dans un premier temps, Boudarel voulut rentrer dans les ordres et se faire prêtre.

C’est durant l’occupation qu’il fit la rencontre d’un enseignant au collège jésuite d’Avignon. Il remarqua très rapidement les capacités intellectuelles du jeune Boudarel.

Il est très doué en latin et en philosophie. C’est à son contact, ironiquement, que le jeune Georges, alors âgé de 20 ans, perd la foi chrétienne. En 1946, à la libération, les communistes entrèrent au gouvernement grâce au “grand Charles”. Boudarel devient un militant communiste très actif et se passionne pour le matérialisme dialectique et considère la philosophie classique comme :

Une métaphysique et un idéalisme synonymes d’élucubrationsExtrait du livre “le dossier Boudarel” de Yves Douadal.
Édition Remi Perrin.

Peu de temps après, il part logiquement et sans surprise pour l’Indochine, à Saigon, pour le compte de la CGT. Nous sommes alors en 1948.

Document interne classé secret des RG sur Boudarel. On peut lire qu’il est considéré comme opiomane et sans moralité.

En Indochine, il est affecté au service de la radio de propagande : “La voix de Saigon – Cholon libre”.

Extrait d’une de ses interventions :

J’étais venu au Viet Nam, il y a plus de deux ans, pensant sincèrement travailler à l’édification de l’Union française et à la diffusion des idées libérales , qui ont toujours été si chères aux Français.

Malheureusement, j’ai compris de jour en jour davantage que l’Union française n’était qu’un mot vide de sens qui servait à masquer les anciennes servitudes, et que le désir profond de ceux qui prétendaient gouverner au nom du peuple français était de suivre ici la politique de la Haute Finance.

Cette politique les a menés si loin qu’actuellement ils ne font même plus la guerre pour soutenir l’impérialisme français. Ils ont vendu la France à l’Amérique, et font ici l’avant-grade du front antidémocratique américain.

L’effort du gouvernement français s’accentue chaque jour davantage dans le sens de la guerre. Face à cela, les relations culturelles sont délaissées, tant par les deux gouvernements que par les étudiants qui en sentent la faiblesse.

Je suis persuadé que ceux qui prêchent cette guerre, et ceux qui la font sincèrement, sont des ennemis de la France : ils épuisent son économie et ruinent son influence culturelle.

Je pense servir la cause de la démocratie et de la paix, qui est celle du peuple de France et du peuple vietnamien, en gagnant la zone libre et en collaborant avec le gouvernement Hô Chi Mihn, qui n’est point anti-français mais anti-impérialiste, et qui se trouve avoir la sympathie du peuple de France.Allocuation de Georges Boudarel à la radio communiste de Saigon.
Le 23 décembre 1950.

L’Amérique est l’ennemi.

Il colonise notre pays et viole nos esprits -et nos âmes- aurait pu ajouter Boudarel. Cela aurait fait écho avec son premier désir, devenir prêtre.

En parlant de viols des esprits, ce sont exactement les mots utilisés par les rares rescapés du tortionnaire Boudarel. De véritables lavages de cerveaux étaient opérés par ce dernier. Les victimes ? Des soldats fraîchement capturés. Tous complètement exténués, malades. Ils pouvaient à peine marcher et respirer sans se tordre de douleur.

Le taux de mortalité au camp 113 est le plus élevé de tous les camps viet minh. Selon les survivants, sur 320 prisonniers, 278 y périrent. Les médicaments envoyés par la croix rouge étaient soit refusés, soit, en cas d’extrême nécessité uniquement donnés aux soldats communistes. L’infirmerie est un mouroir, un cimetière.

Les maladies y sont nombreuses :

  • Paludisme, béribéri, oedèmes de carence, dysenterie amibienne, dermatoses, salmonellose, ictères etc.

Les parasites pullulent :

  • Anguillules, ascaris qui sortent par la bouche, poux, vermines diverses.
Deux prisonniers du camp 113 à la libération de 1956.

Je n’ai connu qu’un seul captif qui a pu ressortir vivant de l’infirmerie. Tous sont décédés. Aucun soin n’était fourni, et il n’y avait aucune volonté du chef de camp et de Boudarel pour qu’il en soit autrement.Rocher Michiels. Survivant du camp 113

Mais ce que redoutent particulièrement les soldats prisonniers, c’est la nuit. Ce moment terrible et angoissant que décrit admirablement Charles Jeantelot :

La nuit n’est qu’agitation, fantasme et démence après que tard ces hommes aient fini par s’endormir sur leur paille infestée, dans l’atmosphère de fumée activée contre les moustiques. Les corps se dressent dans des cris de détresse et des appels lugubres à un secours qui ne peut plus venir de nulle part. Le cliché de la capture, le spectre de la mort, l’amertume de l’échec, la morsure de l’humiliation et les divagations de la faim, qui avaient été sans cesse à l’assaut des esprits, s’estompent en arrière plan, devant l’invasion des pressions infamantes qu’exerce le commissaire politique et qui viennent hanter jusqu’au sommeil des internés.

C’est le seul camp qui est aussi épouvantable. Les autres sont certes vétustes et mal équipés mais celui de Boudarel a été monté et étudié pour donner justement un tel résultat. Faire souffrir, humilier et rendre fous les soldats, ces fameux traîtres de la cause internationale, ces pourris vendus aux Américains. Ils doivent payer. Boudarel veille à ce que cela soit le plus insupportable possible, dépassant même les attentes de sa hiérarchie. Il fait du zèle et nul besoin d’être fin psychologue pour s’apercevoir qu’il en retire du plaisir, qu’il en jouit. Entre deux pipes d’opiums et gâteries féminines. Boudarel s’épanouit dans cet Enfer sur terre et gagne rapidement la confiance du parti communiste. Pour chaque nouvel arrivant, il se présente de cette façon :

Je suis votre commissaire politique. Ma mission est de vous rééduquer. Vous n’êtes pas des prisonniers de guerre mais des criminels politiques, des agents de l’impérialisme à la solde des Américains. Votre situation est sans espoir, à moins d’une conversion complète et une adhésion totale à la politique de paix et d’amitié entre les peuples du président Hô Chi Minh.

Il est intéressant de remarquer la sémantique utilisée par Boudarel.

en achetant un de nos t-shirts dont les bénéfices
sont reversés à FUSA qui fournit du matériel
aux soldats.

Il s’agit ici de viser l’esprit et de le détruire, tâche à laquelle Boudarel va exceller. Inutile de préciser que la nourriture est rationnée strictement. Elle consiste souvent en un bol d’eau chaude dans lequel nagent quelques grains de riz. Pendant que les détenus grabataires en état de loques comatent dans la vermine et les vers, Boudarel rend hommage au grand Staline et n’hésite pas à leur lire des passages du journal l’Humanité.

Les leçons immortelles de Staline, un humain parmi les meilleurs de tous les temps…imprégné de la véritable bonté au sens plein de ce mot… un véritable sauveur de l’humanité et son plus grand bienfaiteur.Discours de Marcel Cachin repris par Boudarel.

Ce qui frappe le plus et qui prouve clairement que cet individu a été protégé par le parti communiste alors très puissant, c’est le temps qu’il aura fallu pour qu’éclate cette affaire. Certes, Boudarel n’est revenu en France qu’en 1967 clandestinement et ses victimes n’étaient pas en état constant d’alerte pour traquer et attraper le tortionnaire en cavale.

À la fin de la guerre d’Indochine qui, pour rappel, avait été déclenchée suite au traité de Potsdam de 1945. Quand le Japon y signe sa capitulation, la France se donne pour mission de rétablir sa souveraineté au Vietnam. Sur fond de guerre contre le communisme. La guerre tourne au fiasco car de nombreux cas de sabotages sont répertoriés, notamment dans les usines d’armements françaises tenues par les syndicats communistes et anti militaristes. Les ouvriers de ces usines s’arrangeaient pour vider la poudre noire des balles ou enlever des pièces sur les fusils, les rendant ainsi inopérants. Les jeunes soldats français, à leur grande surprise, tiraient des balles à blanc ou parfois ne pouvaient même pas faire feu car le matériel avait été rendu défectueux à dessein par les communistes dans les usines.

Les otages, dont ceux détenus dans la camp 113 par l’effroyable Boudarel vont être libérés peu à peu. On estime qu’il y aurait eu 22 000 captifs dans ces camps construits dans les Hautes régions du Vietnam.

Lorsque le grand public apprit son existence, notamment grâce à plusieurs émissions de télévision, cette révélation permit de faire la lumière sur les conditions inhumaines qui régnaient dans les camps et qui étaient gardées secrètes par les autorités communistes russes, chinoises et françaises.

Boudarel n’est pas passé entre les gouttes des peines de justice. Non. Le parti communiste était son parapluie et il était gracieusement tenu par la main du PCF. Tout le milieu universitaire de l’époque le défenda aussi. Boudarel reste propre comme un sous neuf, aucune tache morale, rien.

Il faut bien souligner que la folie meurtrière opérée par Boudarel ne trouve son équivalent épouvantable que dans les descriptions faites par les rescapés des camps nazis. Dai-Dong (nom vietnamien de Boudarel) inventa, pour les plus récalcitrants, un instrument de torture abominable.

Parmi les punitions –identiques à tous les camps- l’une des plus terribles était le séjour prolongé dans la sinistre « cage à buffles » sous une maison sur pilotis où le prisonnier, attaché à un poteau dans une eau putride sans pouvoir se protéger des piqûres d’insectes, était supplicié jusqu’à la folie et la mort.

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Rage-Culture

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